La Charte des valeurs à deux vitesses

Débat autour de la Charte des valeurs du gouvernement Marois

La Charte de la division

Je m’oppose à cette Charte des valeurs promulguée par le gouvernement Marois dans la semaine du 9 septembre. Voici pourquoi.

Anders Turgeon

charte-valeurs-gouvernement-marois-division-deux-vitessesQue nous débattions de laïcité et de la culture québécoise est tout à fait sain pour notre société et notre démocratie. Toutefois, je suis consterné par la tournure émotive et teintée de xénophobie que prend le débat. Et cela à cause du contenu de cette Charte des valeurs, la créature du ministre péquiste Bernard Drainville. Surtout en ce qui concerne le port de signes religieux ostensibles et les accommodements raisonnables.

Avons-nous vraiment besoin de cette Charte pour baliser les accommodements raisonnables? Si on en croit le gouvernement, oui :

« Depuis 2006, plusieurs cas d’accommodements religieux très médiatisés ont suscité un profond malaise au Québec. Ces accommodements ont heurté des valeurs chères aux Québécoises et Québécois, telles l’égalité entre les femmes et les hommes et la neutralité religieuse de l’État. Mandatée pour étudier ces enjeux, la commission Bouchard-Taylor a remis son rapport en 2008. Depuis, rien n’a été réglé. » (1)

Pourtant, il me semble que les quelques cas qui furent médiatisés relèvent de quelques individus extrémistes qui ont manqué le bateau de l’intégration dans la société québécoise. Le texte du Manifeste pour un Québec inclusif met le « doigt sur le bobo » :

« D’entrée de jeu, le fait que le gouvernement désigne les rares demandes d’accommodements comme responsables d’une crise sociale en dit long sur le travail accompli par certains des chroniqueurs médiatiques les plus en vue de la province. […] Au fil des années, ils ont réussi à ancrer chez plusieurs de nos concitoyens une crainte réelle quant à la survie de l’identité Québécoise. Nous constatons aujourd’hui avec regret que notre gouvernement cherche à exploiter cette peur dans un but électoraliste. » (2)

En effet, la crainte de perdre sa culture, envenimée par certains chroniqueurs dans les médias, semble être exploitée de manière éhontée par lecharte-valeurs-gouvernement-marois-débat-division-deux-vitesses gouvernement péquiste chez les xénophobes. Le but non avoué (et ne le sera pas) est de faire le plein de votes aux prochaines élections. De quoi donner la nausée.

Et ce sera surtout une Charte à deux vitesses : pas de signes religieux ostensibles pour les musulmans, les sikhs, les juifs hassidiques et j’en passe. Mais une grosse croix, reliquat d’une autre époque, restera bien accrochée en vue à l’Assemblée nationale. Pourtant, dans leur rapport suivant la Commission Bouchard et Taylor, le philosophe Charles Taylor et l’historien Gérard Bouchard affirment :

« Les Québécois ont raison de souhaiter que les grands paramètres de notre société, en particulier ceux découlant de notre régime de laïcité, soient plus clairement définis et affirmés. Nous ne croyons pas toutefois que l’adoption d’une disposition ou d’un mécanisme juridique, tel un article ou une clause interprétative dans une charte, soit la meilleure façon de répondre à cette demande de repères. Comme nous l’avons montré dans ce chapitre, l’État québécois est laïque. L’égalité des personnes devant la loi et la liberté de conscience et de religion, qui exigent toutes les deux que l’État soit autonome par rapport aux religions et neutre à leur endroit, sont déjà enchâssées dans nos chartes des droits et libertés. » (3)

Par conséquent, je ne souhaite pas l’adoption de cette Charte des valeurs telle qu’elle nous est actuellement présentée. Et je partage le point de vue de plusieurs commentateurs qui souhaitent le retrait de la croix dans l’Assemblée nationale pour qu’elle soit plutôt exposée dans un musée.

En somme, afin de répondre à un besoin collectif découlant d’un inconfort devant certaines pratiques de communautés culturelles, asseyons-nous tous ensemble. Réfléchissons, argumentons et discutons comme le veut le Manifeste pour un Québec inclusif :

« Avec l’annonce du projet de Charte des valeurs québécoises et les réactions qu’elle suscite, nous reconnaissons qu’il existe un certain inconfort dans la population québécoise, qui réclame des «balises claires» et qui souhaite voir sa culture et son identité solidifiées. Or, nous croyons que ces différents besoins n’ont pas à être coiffés d’un imposant appareil législatif dont les conséquences sur les libertés individuelles des minorités, et, par le fait même, de tout un chacun, pourraient être dévastatrices. » (4)

 

 

(1) Voir l’article du Manifeste pour un Québec inclusif : http://www.faitsetcauses.com/2013/09/10/manifeste-pour-un-quebec-inclusif/. Page consultée le 10 septembre 2013.

(2) Voir le site web sur la Charte des valeurs du gouvernement : http://www.nosvaleurs.gouv.qc.ca/fr#regles. Page consultée le 10 septembre 2013.

(3) BOUCHARD, Gérard et Charles TAYLOR, Fonder l’avenir. Le temps de la conciliation, Québec, Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, 2008, p. 153. Document disponible au http://www.accommodements-quebec.ca/.

(4) Manifeste pour un Québec inclusif, op. cit. 

Non à la gratuité scolaire dans l’immédiat!

Cet article est paru, à l’origine, sur le blog des 7 du Québec.

Droits de scolarité et financement des universités

La gratuité scolaire : pas réalisable maintenant

Alors que le gouvernement Marois a décrété l’annulation de la hausse des droits de scolarité promulguée par Jean Charest, l’ASSÉ pousse le bouchon encore plus loin réclamant la gratuité scolaire. Toutefois, le contexte politique et économique prévalent en ce moment au Québec n’est pas propice, en ce moment, pour ce projet.

Anders Turgeon Dossier Actualités, Éducation

À pareille date l’an dernier, la plupart des étudiants se mobilisaient contre la hausse des droits de scolarité décrétée par le gouvernement droits-scolarite-financement-universites-gratuite-scolaire-education-jeunesCharest. Suite à un Printemps Érable mouvementée marqué par la judiciarisation du conflit étudiant ainsi que la loi 12, les étudiants (du moins, les carrés rouges) ont obtenu l’annulation de cette hausse suite à l’élection du Parti québécois.

Maintenant, les carrés rouges, l’ASSÉ en tête, réclament la gratuité scolaire. Toutefois, selon des articles de La Presse, Radio-Canada.ca, du Métro, du 98.5FM et du Huffington Post, le ministre Pierre Duchesne a écarté définitivement cette avenue. La gratuité est envisageable à long terme, mais pas dans le contexte actuel, a-t-il fait valoir lors d’une allocution à la fin de l’École d’hiver Spécial Sommet de l’Institut du Nouveau Monde (INM).

Il y a de quoi être d’accord avec le ministre Duchesne. Contrairement à ce que croient la  FEUQ et l’ASSÉ , il est impossible de réaliser la gratuité des études universitaire compte tenu de du contexte politique et économique actuel du Québec. L’État n’est pas une source intarissable d’argent ; les contribuables, encore moins. La dette grimpe de manière préoccupante.

Avant de songer à accorder la gratuité au niveau universitaire, un important ménage de l’État-providence québécois s’impose. Le gouvernement aurait intérêt à dépenser avec diligence et efficacité dans la santé, l’éducation et l’emploi. Il devrait investir dans les programmes sociaux, il devrait rester intègre face à toute tentative de corruption. Et il devrait face en sorte que tout le monde verse ses impôts à l’État, sans exception.

Surtout, notre système de l’éducation est à revoir avant de fournir une éducation entièrement gratuite. Il serait important de revoir la manière d’éduquer les jeunes. Revaloriser pleinement la réussite scolaire et l’excellente encouragerait les jeunes à faire preuve de rigueur et de détermination dans leurs études. Ils développeraient une  méthode de travail et, rendus à l’université, ils seraient outillés pour réussir leurs études et s’enligner pour une carrière prometteuse.

Avant la gratuité scolaire au niveau universitaire, le gouvernement doit améliorer sa gestion de l’argent des contribuables. Les étudiants ont aussi leur part de responsabilité: étudier et obtenir du succès dans leur cheminement scolaire. Dans ce cas, seulement, l’ASSÉ et Martine Desjardins pourront légitimement réclamer la gratuité scolaire.